Décryptage

Dossier Transat #9 | MARQUES engagées : TENDANCE DE FOND OU OPPORTUNISME COMMERCIAL ? PART 1/2

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Dounia Issaa 3 min de lecture 817 vues

« For once, Don’t Do It ! » Voici le signal récemment lancé par la marque Nike qui n’a pas hésité à détourner son célèbre slogan « Just Do It » dans un film publicitaire pour témoigner de son soutien en faveur des minorités. Un acte fort qu’ont suivi de nombreuses autres marques en se mobilisant et prenant position sur des sujets de société. Véritable prise de conscience ou simple coup médiatique, ce qui est sûr c’est que les exigences des citoyens-consommateurs n’ont jamais été aussi fortes… Coup de projecteur sur ce nouveau phénomène.

90% des consommateurs attendent des marques qu’elles s’engagent ! Voici la conclusion de l’étude Oney qui vient confirmer l’Observatoire des marques, réalisé par Havas Paris et le CSA il y a deux ans. Si ce chiffre peut donner le tournis, il s’explique facilement dans un contexte de méfiance et de crise. Frustrés ou déçus par la politique traditionnelle, les citoyens se tournent désormais vers les entreprises pour prendre le relai et pallier au pouvoir des états, jugé défaillant.

Dénoncer les inégalités, militer pour la planète, l’environnement… les envies d’engagement couvrent toutes les sphères et pour plus de 60% des Français, les entreprises ont un rôle plus important que les gouvernements dans la création d’un avenir meilleur !

Contre toute attente, l’idée qu’une entreprise peut à la fois gagner de l’argent et être engagée au travers de valeurs et comportements responsables, gagne du terrain. 80% des consommateurs pensent même que ce sont ces entreprises engagées qui réussiront le mieux économiquement demain. Car pour le consommateur- citoyen, les deux vont de pair et si la prise de risque peut paraître importante, elle est désormais une composante essentielle que l’entreprise doit intégrer dans son discours de marque.

UNE PRISE DE CONSCIENCE AMPLIFIÉE PAR LES RÉSEAUX…

Ce basculement de pouvoir a été accéléré par l’essor des nouvelles technologies et des plateformes sociales qui permettent à chacun d’exprimer ses idées, ses convictions et de dénoncer certains comportements de marques !

C’est le cas de L’Oréal qui en bannissant les termes « clair » ou « blanchissant » dans le descriptif de certains de ses produits, s’est vue en quelques heures attaquée « d’opportuniste » au travers de posts #JarreteLoreal ou BoycottLoreal, conduisant même à secouer le cours de la bourse.

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Et c’est loin d’être la seule : E. Leclerc, Sephora, Bouygues… autant de marques qui sont soumises à un jugement permanent qui ne concerne plus la qualité ou le prix de leurs produits mais qui s’étend aussi à leurs engagements et à leurs actions.

… ET DÉMULTIPLIÉE AVEC LA CRISE DU COVID-19

Dans le même temps, la crise de la Covid-19 a accéléré le phénomène et renforcé les attentes : préserver la santé des collaborateurs, consommer plus local, réduire son impact sur l’environnement… plus que jamais, l’entreprise doit prouver son utilité en cette période d’incertitude. Il lui faut adopter un comportement exemplaire et démontrer au monde qu’elle peut protéger (ses collaborateurs et les citoyens), innover (par sa production ou son mode de commercialisation) et divertir (sa communauté). Une attente bien comprise du côté des marques qui ont pris part à la lutte contre la Covid-19, en multipliant les initiatives solidaires et sociales.

En BtoB ou en BtoC, cette démarche RSE est d’une importance capitale pour les Français : d’après une étude de Bazaarvoice / Influenster, 38% ont effectué des achats auprès de nouvelles marques, pour la simple raison que celles-ci se montraient particulièrement responsables en ces temps de crise.

« Nous étions déjà témoins, depuis quelques années, d’une prise de conscience de la part des consommateurs sur les questions éthiques, environnementales et sociales. La crise sanitaire n’a fait que confirmer et accélérer la tendance » conclut Bruno Sireyjol, VP Sales EMEA chez Bazaarvoice.

MOBILISATION ET ENGAGEMENT des marques : UNE STRATÉGIE RISQUÉE MAIS PAYANTE

« Dis-moi ce en quoi tu crois et je te ferai (peut-être) confiance » : voici le nouveau leitmotiv des consommateurs qui préfèrent se détourner des marques non engagées pour acheter auprès de celles qui défendent leurs valeurs et leurs convictions. En effet, lorsqu’une marque partage ses valeurs, ses clients sont non seulement plus fidèles mais deviennent aussi de précieux alliés, en défendant ses actions sur la toile, en participant au développement de produits et en recommandant la marque auprès de sa communauté. Sans oublier l’impact sur sa performance économique : d’après le baromètre BrandZ 2019, les entreprises ayant travaillé leur utilité sociale et leur raison d’être ont généré deux fois plus de croissance que les autres !

L’engagement est donc devenu à la fois un prérequis, mais surtout un gage de compétitivité pour les entreprises qui l’ont bien compris et n’hésitent plus à s’engager sur toutes les causes « populaires ». AntiCovid19, #MeToo, #LGBT… l’heure est à la mobilisation de plus en plus rapide et de plus en plus forte ; en témoignent les récentes prises de parole sur le mouvement #BlackLivesMatter. Que ce soit Netflix, Amazon, Nike ou le New-York Times, tous ont affirmé leur soutien au mouvement depuis le décès de George Floyd et les manifestations qui ont suivi.

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En guise d’exemples, la marque Uncle Ben’s a décidé de procéder à la refonte de son logo et Nike a détourné son slogan « Just Do It » en « Don’t Do It » dans un spot publicitaire de 30 secondes. Sur Instagram, Puma qui a pour habitude de nouer des partenariats avec des athlètes engagés, a publié un écran noir et apporté son soutien financier au Minnesota Freedom Fund, en faveur des victimes d’injustices. Quant au patron de Netflix, il a annoncé un don de 120 millions de dollars à des universités traditionnellement noires.

Mais ces actions ne sont pas nouvelles : Veja a par exemple toujours milité pour une planète plus respectueuse de l’environnement et Gillette ou Nike n’ont pas attendu la tragédie de George Floyd pour diffuser des publicités qui rompent avec les stéréotypes et poussent à changer les mentalités, quitte à s’écarter d’une partie de leur cible. « Il existe un véritable souci de faire des publicités plus représentatives […] du réel. Les marques observent ce qui se passe, elles sont plus à l’écoute des critiques comme des retours positifs et elles prennent des engagements » explique Olivier Creusy, directeur du programme Marque et Management de l’Innovation à l’Iscom.

Ce qui a véritablement changé c’est que les marques n’ont plus d’autres
choix que de s’éloigner du marketing traditionnel basé autour des produits et services pour se diriger vers un marketing « activiste » orienté vers des causes et des convictions partagées par les consommateurs.
Et si la prise de risque reste minime pour une grande marque, ce n’est pas la même histoire pour les autres qui doivent redoubler de vigilance pour ne pas tomber dans le bad buzz. À l’heure où les marques sont plus exposées que jamais et où la nouvelle génération scrute leurs moindres faits et gestes, la franchise est de mise.

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L'auteur - Dounia Issaa

Dounia est Directrice Communication chez Loyalty Company.

"Mon ambition ? Produire des contenus utiles qui fassent sens et alimentent vos réflexions. Ce qui me motive ? Vous inspirer, vous interpeller, vous faire réagir !"

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